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Les poursuites engagées contre le blogueur Yassine Ayari révèlent les faiblesses persistantes du système judiciaire et juridique de la Tunisie, s’agissant du respect des droits humains, quatre ans après que la « Révolution de Jasmin » ait engagé le pays sur la voie de la démocratie. Le 3 mars, une cour d’appel militaire a condamné Ayari à six mois de prison pour avoir prétendument « porté outrage à l’armée » et « insulté des officiers de l’armée » dans des textes publiés sur Facebook en septembre 2014. Il est en détention depuis janvier 2015.

Beaucoup de choses ont changé en Tunisie depuis les manifestations populaires qui ont contraint le Président Zine el Abidine Ben Ali à fuir le pays au début 2011. La Tunisie a adopté une nouvelle constitution en janvier 2014 qui a été saluée come un pas important vers la consolidation de la protection des droits humains et l’instauration de l’État de droit. Néanmoins, certaines dispositions juridiques répressive héritées de la dictature sont toujours en vigueur et sont maintenant utilisées régulièrement par les autorités pour piétiner les droits humains.

Le cas d’Ayari en est un bon exemple. Les poursuites dont il fait l’objet ont été menées en vertu de l’article 91 du code militaire, l’un des vestiges de la dictature. Cette disposition ainsi que d’autres articles du code pénal ont régulièrement été utilisés pour porter contre des blogueurs, des journalistes et des artistes de vagues accusations de « diffamation contre des institutions de l’État », « insultes contre des fonctionnaires» et « atteinte à l’ordre public et aux bonnes mœurs ».

S’agissant d’un civil, le procès d’Ayari devant un tribunal militaire constitue une violation de son droit à un procès équitable par un tribunal indépendant. Le gouvernement de transition qui a pris le pouvoir après le renversement de Ben Ali a remanié le système de justice militaire mais a omis de supprimer la capacité des tribunaux militaires à juger des civils. Le système de justice militaire continue de manquer d’indépendance, les juges militaires étant liés officiellement au ministère de la Défense par le biais du Conseil supérieur de la magistrature militaire. Le manque d’indépendance des tribunaux militaires nourrit des soupçons que ces tribunaux demeurent susceptibles de subir des pressions politiques. 

Ayari n’était même pas présent lorsqu’un tribunal militaire l’a jugé une première fois le 18 novembre 2014 à trois ans de prison ferme, sans lui avoir dûment notifié le procès, les accusations portées contre lui, ni lui avoir permis de préparer sa défense.

La Tunisie doit appliquer dans la pratique les protections des droits humains contenues dans la nouvelle constitution, et supprimer les lois répressives de la législation en vigueur. Remanier les lois qui criminalisent la liberté d’expression serait un bon point de départ. La diffamation ne devrait pas être traitée comme un acte criminel, mais plutôt faire l’objet d’une procédure au civil, entraînant des pénalités financières. Toutefois, les tribunaux devraient reconnaître que les personnalités publiques, y compris les officiers militaires, peuvent être légitimement soumises à la critique. Des blogueurs comme Yassine Ayari devraient pouvoir critiquer toute personne sans s’exposer au risque d’être emprisonné, encore moins par un tribunal militaire. 

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