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J’ai renoncé à écrire une tribune commémorative en hommage aux 368 personnes qui sont décédées lors du naufrage survenu il y a un an au large de Lampedusa, une île du sud de l’Italie. Je ne trouve pas les mots appropriés pour honorer leur courage, se souvenir de leur sort tragique, et réconforter leurs proches… Je ne suis pas assez éloquente, et les images des rangées de cercueils, notamment d’enfants, m’accablent. D’autres personnes tiendront des discours à l’occasion de ce triste anniversaire.

Les victimes de ce naufrage avaient désespérément tenté de quitter l’Afrique du Nord et de rejoindre l’Europe en traversant la Méditerranée. Quarante-trois survivants et des membres des familles de victimes sont venus à Lampedusa pour participer aux cérémonies commémoratives. L’association à but non lucratif Comitato 3 ottobre a recueilli les fonds nécessaires pour permettre la venue de survivants résidant dans d’autres pays de l’UE.

Fanus, une jeune femme érythréenne qui a obtenu l’asile en Suède à la suite du naufrage, sera aussi présente. L’expérience qu’elle a vécue –un périple angoissant, des conditions d’accueil inadéquates en Italie et les efforts désespérés afin de rejoindre les pays nordiques - est malheureusement trop courante. De hauts fonctionnaires européens seront également à Lampedusa : Martin Schulz, président du Parlement européen ; Federica Mogherini, ministre des Affaires étrangères de l’Italie et nouvelle Haute-représentante aux affaires étrangères de l’UE ; Laura Boldrini, présidente de la chambre des députés au Parlement italien ; et Angelino Alfano, ministre de l’Intérieur de l’Italie.

En réponse à cette tragédie il y a un an, la Commission européenne et les États membres de l’UE se sont engagés à renforcer leurs actions pour mettre fin aux décès en mer. Un groupe de travail fut mis en place, des réunions ont été tenues. Mais c’est l’Italie qui, de manière autonome, a lancé l’opération massive de recherche et de sauvetage baptisée « Mare Nostrum », laquelle a permis à ce jour de sauver plus de 91 000 personnes qui ont pu débarquer en toute sécurité. Toutefois, malgré cet effort, plus de 3 000 femmes, hommes et enfants se sont noyés en Méditerranée depuis le mois de janvier.

L’Italie envisage actuellement de mettre fin à l’opération Mare Nostrum en novembre, tandis que l’agence chargée de coordonner les actions aux frontières de l’UE, Frontex, sollicite des fonds et de l’équipement de la part d’autres États membres pour une opération beaucoup plus restreinte, dont le but principal serait le renforcement des frontières et non le sauvetage de vies.

Je suis certaine que les membres de l’organisation Comitato 3 ottobre aideront les survivants à surmonter l’épreuve de cette journée difficile. J’espère que les dignitaires présents à Lampedusa sauront trouver les mots justes pour leurs discours.

C’est toutefois en menant des actions concrètes que l’Europe peut réellement honorer tous ceux qui ont trouvé la mort en cherchant à rejoindre ce continent. Avant tout, les États membres devraient doter Frontex des ressources et du mandat nécessaires à la protection des vies en mer, y compris dans les eaux internationales. D’ici là, l’Italie devrait poursuivre l’opération Mare Nostrum.

L’UE devrait prendre des mesures pour créer des mécanismes légaux accessibles en toute sécurité aux migrants et aux demandeurs d’asile, conformément aux recommandations formulées par une commissaire européenne dont le mandat s’achèvera prochainement et par son successeur désigné. Parmi les propositions qui circulent déjà figurent l’augmentation du nombre – actuellement très faible - de programmes de réinstallation des réfugiés, l’octroi de visas humanitaires, l’autorisation de déposer des demandes d’asile au sein des ambassades, ainsi que la mise en place de nouveaux mécanisme de migration légale pour les travailleurs dans divers secteurs.

Le 3 octobre n’est malheureusement qu’une date parmi de nombreux anniversaires commémorant les décès survenus en mer au large des côtes européennes. Ce n’est que la prise d’engagements fermes à l’échelle européenne, soutenue par une réelle volonté de réforme, qui permettra d’éviter de nouveaux anniversaires tragiques.

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Judith Sunderland (Twitter @sunderland_jude) est chercheuse senior sur l’Europe de l’Ouest à Human Rights Watch.

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