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Liban : Spirale de l’insécurité et stagnation des réformes

Les pays bailleurs de fonds devraient renforcer l’aide aux réfugiés

(Beyrouth) – En 2013, le Liban a dû faire face aux répercussions du conflit en Syrie, pays voisin, ainsi qu’à une crise des réfugiés qui ne fait que s’intensifier, a déclaré aujourd’hui Human Rights Watch dans son Rapport Mondial 2014. L’absence de gouvernement pendant la majeure partie de l’année 2013 ainsi que la paralysie du parlement ont rendu les autorités incapables de promulguer des lois aptes à améliorer la situation des droits humains dans le pays.

Alors que les réfugiés syriens affluent au Liban, le gouvernement devrait maintenir la frontière ouverte. Le Liban devrait lutter contre la violence et l’insécurité en instaurant une présence sécuritaire permanente dans les zones d’affrontements chroniques, arrêter et poursuivre les personnes responsables des violences, et confisquer les armes. Les pays bailleurs de fonds devraient apporter leur soutien, notamment en aidant les autorités libanaises à répondre aux besoins fondamentaux des réfugiés et des personnes affectées par leur arrivée.

« Le gouvernement libanais a besoin de plus d’aide extérieure, afin de pouvoir maintenir la sécurité et continuer à nourrir, loger et soigner des réfugiés syriens de plus en plus nombreux ainsi que sa propre population », a déclaré Nadim Houry, Directeur adjoint pour le Moyen-Orient chez Human Rights Watch. « Les autorités devraient s’attaquer à l’insécurité croissante en confisquant les armes, et en arrêtant et poursuivant toute personne responsable de violences. »

Dans son Rapport mondial 2014 (24ème rapport annuel, dont la version anglaise compte 667 pages), Human Rights Watch résume les pratiques en matière de droits humains dans plus de 90 pays. Les massacres massifs de civils en Syrie ont suscité un sentiment d’horreur, mais peu d’actions ont été engagées par les leaders mondiaux pour y mettre fin, a indiqué Human Rights Watch. La doctrine de la « responsabilité de protéger », qui a connu un regain de popularité, semble avoir empêché des atrocités de masse dans certains cas en Afrique. Les majorités au pouvoir en Égypte et dans d’autres pays ont étouffé les voix dissidentes, et ont réprimé les droits des minorités. Le rapport examine aussi les révélations d’Edward Snowden sur les programmes de surveillance américains, et leurs répercussions à l’échelle internationale.

Les violences en Syrie, pays voisin du Liban, ont eu des répercussions au Liban en 2013 avec notamment des attentats à la voiture piégée à Beyrouth et à Tripoli, des enlèvements et des bombardements transfrontaliers. Les tensions sectaires aggravées par le conflit ont conduit à des affrontements meurtriers à Tripoli et Saïda, dans un climat d'impunité généralisée pour les criminels armés.

Les affrontements à Tripoli se sont traduits par une forte hausse du nombre d’attaques sectaires visant les habitants alaouites de cette ville, parmi lesquelles des agressions de travailleurs alaouites, notamment pendant leur trajet pour se rendre au travail, la destruction de magasins alaouites dont certains ont été incendiés, et des attaques contre des bus scolaires alaouites. Le 31 mai, par exemple, des militants sunnites ont menacé des employés alaouites de la municipalité de Tripoli, et leur ont envoyé des SMS pour leur dire de ne pas venir travailler ou de risquer la mort. Des militants sunnites ont également détruit au moins quatre magasins dans le quartier de Tel à Tripoli les 1er et 3 juin.

Suite à d’importants affrontements à Saïda en juin, entre l'armée libanaise et des partisans armés du cheikh Ahmed al-Assir, des hommes arrêtés par les soldats libanais ont été battus en détention, et dans deux cas examinés par Human Rights Watch, torturés au moyen de brûlures à la cigarette. Un habitant de la ville, Nader Bayoumi, est mort alors qu'il était aux mains de l'armée. Les preuves disponibles indiquent que les coups qu’il a reçus en détention ont provoqué sa mort, et un juge militaire a émis des mandats d'arrêt en juillet à l'encontre de cinq personnes accusées de l’avoir battu et torturé à mort. Leur procès est en cours.

Le nombre de réfugiés syriens déclarés au Liban a atteint 830 000 personnes en décembre. Avec un soutien international limité, le gouvernement libanais a du mal à répondre à leurs besoins fondamentaux en termes de logement, de soins médicaux et de nourriture. Selon le bureau du Haut-Commissariat aux Réfugiés des Nations Unies (UNHCR), les États membres de l’ONU n’ont, au 31 octobre, financé que 51 % de l’appel d’un montant d’1,2 milliard de $US (880 millions d’euros). Le 1er novembre, en raison des contraintes budgétaires, l’UNHCR a commencé à refuser des aides essentielles à 30 % des réfugiés syriens au Liban.

Le Liban est le dernier pays voisin de la Syrie à avoir maintenu l’ouverture de ses frontières. En août, cependant, une politique de refoulement de facto des Palestiniens vivant en Syrie et cherchant refuge au Liban a été instaurée. Human Rights Watch a alors appelé le gouvernement libanais à garder ses frontières ouvertes à ceux qui fuient des dangers mortels ou la persécution, et les bailleurs de fonds à fournir une aide pour que le Liban puisse y parvenir.

Dans un contexte de violences et de paralysie économique, le Liban a souffert du manque de direction politique. Le premier ministre a démissionné début 2013, et aucun nouveau gouvernement n’a encore été formé. Dans cette situation, le parlement bloqué n’a pu faire avancer les projets de loi pour lutter contre la torture, améliorer le traitement des employées domestiques migrantes, protéger les femmes contre les violences familiales, et mettre fin aux discriminations que leur impose le code du statut personnel.

« Le Liban a dû faire face à d’importantes difficultés, mais les autorités ne peuvent se permettre de tergiverser au lieu de s’attaquer aux problèmes latents liés aux droits humains, car attendre ne fera qu’empirer la situation », a conclu Nadim Houry.

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