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Chine : Les nouveaux dirigeants n’ont toujours pas adopté de véritables réformes

L’année 2013 a vu certaines avancées par rapport aux politiques abusives, mais la dure répression à l’égard des voix critiques persiste

(New York) - En 2013, le Parti communiste chinois a renforcé son monopole du pouvoir à coups de nouvelles mesures rigoureuses et de discours musclés, anéantissant les espoirs de voir les nouveaux dirigeants du pays s’engager dans de profondes réformes systémiques visant à améliorer le respect des droits humains et à renforcer l’État de droit, a déclaré Human Rights Watch aujourd’hui dans son Rapport mondial 2014.

Bien qu’ils aient annoncé l’abolition de la rééducation par le travail – un système répressif de détention administrative – ainsi que l’assouplissement de la politique de l’enfant unique et des plans visant à améliorer l’administration de la justice, les nouveaux dirigeants Xi Jinping et Li Keqiang n’ont toujours pas entamé des réformes fondamentales aptes à répondre de façon appropriée aux demandes croissantes de la population pour que justice soit faite et pour que des comptes soient rendus.

Dans son Rapport mondial 2014 (24ème rapport annuel, dont la version anglaise compte 667 pages), Human Rights Watch résume les pratiques en matière de droits humains dans plus de 90 pays. Les massacres massifs de civils en Syrie ont suscité un sentiment d’horreur, mais peu d’actions ont été engagées par les leaders mondiaux pour y mettre fin, a indiqué Human Rights Watch. La doctrine de la « responsabilité de protéger », qui a connu un regain de popularité, semble avoir empêché des atrocités de masse dans certains cas en Afrique. Les majorités au pouvoir en Égypte et dans d’autres pays ont étouffé les voix dissidentes, et ont réprimé les droits des minorités. Le rapport examine aussi les révélations d’Edward Snowden sur les programmes de surveillance américains, et leurs répercussions à l’échelle internationale.

« Le gouvernement chinois a réagi aux pressions nationales et internationales en annonçant des réformes partielles concernant des questions telles que la rééducation par le travail et la politique de l’enfant unique », a expliqué Brad Adams, directeur de la Division Asie de Human Rights Watch. « Toutefois les nouveaux dirigeants se sont aussi livrés à une répression sévère des voix critiques, tout en tenant des discours musclés visant à faire clairement comprendre qu’ils n’avaient pas l’intention de libéraliser le système politique. »

Avant que les nouveaux dirigeants n’accèdent officiellement au pouvoir en mars 2013, beaucoup en Chine nourrissaient de grands espoirs à propos de réformes qui désamorceraient les tensions sociales croissantes découlant des saisies de terres et qui s’attaqueraient aux expulsions forcées, à la corruption, au mauvais traitement des travailleurs migrants, à la discrimination basée sur le statut de résident (« hukou »), à l’emprisonnement de militants et à d’autres problèmes.

Lors du 3e plénum du Parti communiste chinois en novembre, le Parti a annoncé qu’il avait décidé d’abolir la Rééducation par le travail qui, depuis les années 1950, permet de maintenir des personnes en détention pendant des années sans procès. Il a également annoncé l’assouplissement des quotas de naissances fixés dans le cadre de la politique coercitive de planification familiale, autorisant les couples à avoir un second enfant si l’un des parents est un enfant unique. Dans la foulée du plénum, la Cour suprême populaire a émis des lignes directrices recommandant vivement aux tribunaux de respecter strictement les protections procédurales prévues dans le Code de procédure pénale révisé, lequel interdit notamment l’utilisation d’aveux obtenus sous la torture comme éléments de preuve devant un tribunal. Les nouveaux dirigeants ont par ailleurs proclamé leur engagement à lutter contre la corruption endémique en frappant à la fois « les tigres et les mouches », donnant à entendre que la position et les relations ne seraient plus un gage de protection.

« Il est trop tôt pour savoir si les récentes annonces de réformes seront assorties d’actes visant à les traduire en réalité », a fait remarquer Brad Adams. « Mais même si Xi Jinping a beaucoup parlé de combattre la corruption et que quelques arrestations de personnalités de haut rang ont eu lieu, le gouvernement a exercé de sévères représailles à l’encontre de ceux qui ont exposé au grand jour la corruption de haut niveau au sein du gouvernement et du Parti. »

Depuis mars, la Chine a placé en détention et arrêté plus de cinquante militants à travers le pays afin de tenter de repousser les limites acceptables du militantisme de la société civile et de réaffirmer son contrôle. Parmi les personnes détenues figurent des militants engagés dans le Mouvement des nouveaux citoyens, une plateforme citoyenne qui organise des manifestations de rue pour prôner la divulgation publique des avoirs des responsables comme mécanisme de lutte contre la corruption. Bon nombre de ces militants sont toujours en détention actuellement.

En août, le gouvernement chinois a mené l’une des répressions les plus violentes de ces dernières années sur Internet, fustigeant les « rumeurs en ligne », plaçant en détention les « colporteurs de rumeurs » partout dans le pays, punissant les citoyens et journalistes au franc-parler pour avoir dénoncé la corruption, et étendant les dispositions pénales en vigueur de manière à ce qu’il soit plus facile de réprimer la liberté d’expression en ligne.

Le gouvernement a continué de mettre en œuvre des politiques répressives au Tibet et au Xinjiang, deux zones de minorités ethniques. Au Tibet, il a maintenu une présence massive des forces de sécurité, a sévèrement restreint la liberté de circulation des Tibétains et a intensifié la surveillance de la population locale en installant des cadres du parti dans chaque village. Au Xinjiang, la discrimination ethnique omniprésente et la dure répression religieuse ont continué d’alimenter les tensions croissantes. Plus d’une centaine de personnes, dont des Ouïgours, des Hans et d’autres, ont été tuées lors d’incidents qui ont débouché sur le plus lourd bilan collectif depuis les émeutes d’Urumqi en 2009. Tant au Tibet qu’au Xinjiang, le gouvernement a utilisé des balles réelles contre des manifestants pacifiques, blessant et tuant plusieurs d’entre eux. Dans les deux zones, il a également procédé à des transferts et relogements non volontaires de population à très grande échelle.

Parmi d’autres problèmes, le Rapport mondial 2014 met également en lumière les faits suivants :

●     Le lauréat du Prix Nobel de la paix Liu Xiaobo continue de purger sa peine de 11 ans de prison dans la province de Liaoning, dans le nord. Son épouse, Liu Xia, reste illégalement assignée à domicile et souffrirait d’une grave dépression ;

●     La Chine demeure le leader mondial dans le domaine des exécutions. Leur nombre exact reste un secret d’État mais les experts estiment qu’elles ont diminué progressivement, passant d’environ 10 000 par an il y a une décennie à moins de 4 000 au cours des dernières années ;

●     Après des années de dénégation et d’inaction, le Ministère de la Protection de l’environnement a fini par reconnaître l’existence de « villages du cancer », qui comptent des taux anormalement élevés de cancer. Les médias nationaux avaient écrit abondamment sur le sujet. Les victimes réclament justice et réparation depuis longtemps, sans résultats ; et

●     En mai, la toute premièreloi sur la santé mentaleadoptée par la Chine est entrée en vigueur, comblant un important vide juridique, mais elle n’arrive pas à corriger les lacunes qui permettent aux autorités gouvernementales et aux familles d’interner des personnes dans des hôpitaux psychiatriques contre leur gré.

Human Rights Watch a souligné que les pressions internationales exercées sur la Chine à propos des droits humains ont été peu consistantes en 2013, prolongeant une tendance à long terme. De nombreux pays, dont le Royaume-Uni et la France, ont mis leurs critiques en sourdine lors de sommets avec les dirigeants chinois, vantant plutôt les mérites de « dialogues sur les droits humains » qui se sont avérés aboutir à peu de résultats, voire aucun.

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