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Ouganda : Impunité pour la corruption de haut niveau

La corruption à grande échelle prive les Ougandais des droits fondamentaux

(Kampala, le 21 octobre 2013) – Le gouvernement ougandais a omis d’exiger des comptes à des hauts responsables impliqués dans le vol et le détournement de fonds publics, ont déclaré Human Rights Watch et la Clinique internationale des droits humains (International Human Rights Clinic) Allard K. Lowenstein de la faculté de droit de l’Université de Yale dans un rapport conjoint publié aujourd'hui. Aucun haut responsable du gouvernement, ministre ou bénéficiaire d’une nomination politique n'a purgé de peine de prison, malgré les enquêtes sur les nombreux scandales de corruption depuis de nombreuses années et un nombre impressionnant d’institutions anti-corruption. Les militants qui luttent contre la corruption risquent l'arrestation et des accusations criminelles.

Le rapport de 63 pages, intitulé « Letting the Big Fish Swim: Failure to Prosecute High-Level Corruption in Uganda » (« Laisser filer les gros poissons : Absence de poursuites contre la corruption de haut niveau en Ouganda »), documente l'échec de l'Ouganda quant à faire en sorte que les plus hauts membres de son gouvernement responsables de corruption à grande échelle rendent des comptes, en dépit de promesses répétées d'éradiquer la corruption et du bon travail technique effectué par les enquêteurs et les procureurs. Les organisations ont analysé l'utilisation par des autorités de vides juridiques et de lois qui protègent les politiciens de l’obligation de rendre des comptes pour échapper aux sanctions. Un manque de volonté politique a paralysé les institutions anti-corruption ougandaises, compromettant leurs efforts par le biais de l'ingérence politique, le harcèlement et les menaces, ont constaté Human Rights Watch et la Clinique Lowenstein.

« Au fur et à mesure que les scandales s’enchaînent, la politique de favoritisme du gouvernement et le manque de volonté politique sapent la lutte contre la corruption en Ouganda », a déclaré Maria Burnett, chercheuse senior pour la division Afrique à Human Rights Watch. « Tout au long des 27 années de gouvernement du président Yoweri Museveni, ses promesses de lutte contre la corruption se sont multipliées tandis que les fonctionnaires coupables de corruption au plus haut niveau restent en liberté. »

Le rapport est basé sur les recherches menées de mai à septembre 2013 par Human Rights Watch et par la Clinique internationale des droits humains Allard K. Lowenstein de la faculté de droit de l’Université de Yale, notamment des entretiens auprès de 48 personnes ayant une connaissance approfondie des efforts anti-corruption en Ouganda. Les chercheurs ont également consulté de nombreux rapports de militants locaux, de partenaires de développement de l'Ouganda et de la Banque mondiale afin de refléter l'histoire du problème de la corruption endémique de l'Ouganda.

Les scandales de corruption ont eu un impact direct sur les droits humains en Ouganda depuis de nombreuses années. Le financement de bailleurs de fonds d’une valeur de 12,7 millions de dollars a été volé dans le bureau du Premier ministre à la fin de 2012. L'argent était censé être consacré à la reconstruction du nord de l’Ouganda, une région ravagée par une guerre de 20 ans, et de Karamoja, la région la plus pauvre de l'Ouganda.

D'autres scandales ont ébranlé les programmes de santé, comme les 45 millions de dollars US détournés du Fonds mondial de lutte contre le sida, la tuberculose et la malaria en 2010 et les 12 millions de dollars US volés à l'Alliance mondiale pour les vaccins et l’immunisation en 2006. Le vol des ressources destinées à aider la réalisation des droits fondamentaux à la justice, la santé, l'eau, la nourriture et l'éducation peut avoir des conséquences désastreuses, selon Human Rights Watch et la Clinique Lowenstein.

Compte tenu du système de favoritisme politique de l'Ouganda et de la durée du maintien au pouvoir de Museveni, l’engagement de poursuites à l’encontre des responsables gouvernementaux de haut niveau coupables de corruption est nécessaire pour modifier fondamentalement les habitudes de corruption profondément enracinées chez certaines élites, selon Human Rights Watch.

« Ce tribunal en a assez de juger des tilapias tandis que les crocodiles continuent de nager », a déclaré le juge John Bosco Katutsi, ancien chef de la Cour Anti-corruption, lors d’une décision de 2010.

L'Ouganda dispose de divers organismes gouvernementaux axés sur l'éradication de la corruption, qui ont habilement poursuivi la corruption de bas niveau pour de petites sommes d'argent. Mais ces organismes ont été largement inefficaces dans la lutte contre la corruption à grande échelle, ont affirmé Human Rights Watch et la Clinique Lowenstein.

Ces organismes n'ont pas obtenu le soutien ni les ressources dont ils ont besoin de la part de Museveni, son cabinet et du parlement pour accomplir cette tâche. Des postes importants ont été laissés vacants pendant des années dans certains cas. Des institutions essentielles, comme le Tribunal de leadership, qui pourrait remettre en cause les déclarations inexactes des actifs financiers des responsables gouvernementaux, n'ont pas été mises en place.

La poursuite des réformes législatives est probablement nécessaire pour assurer que les postes de personnel de routine ne paralysent pas les institutions anti-corruption, telles que l'Inspection du gouvernement.

L'ingérence politique dans le travail des institutions anti-corruption a également fait échouer des poursuites de haut niveau. Les organisations ont constaté que dans certains cas, des hauts responsables ont ordonné aux procureurs de retarder les poursuites ou de juger une affaire prématurément avec de faibles preuves. Les enquêteurs, les procureurs et les témoins impliqués dans de telles affaires ont été la cible de menaces et de pots de vin. Le gouvernement ougandais devrait fournir une plus grande protection pour les personnes impliquées dans des poursuites et un système plus solide pour la protection des témoins, et faire en sorte que les éléments de preuve tangibles contre des membres de haut rang du gouvernement soient dévoilés.

« Au lieu d'être traduites en justice, les personnes accusées d'avoir volé des millions et des millions de dollars en Ouganda sont souvent juste déplacées vers d'autres postes du gouvernement », a indiqué Maria Burnett. « Le jeu national de chaises musicales de l'Ouganda doit cesser. Les fonctionnaires corrompus ne devraient pas être en mesure de se soustraire à l'autorité des procureurs. »

Malgré des promesses renouvelées de lutter contre la corruption en 2013, le gouvernement ougandais a arrêté au moins 28 militants anti-corruption qui distribuaient des informations au public. Certains ont été inculpés d’incitation à la violence et de rassemblement illégal, et sont tenus de rendre compte régulièrement à la police. Le harcèlement de ces militants remet sérieusement en question l'engagement du gouvernement à lutter contre la corruption. Plutôt que de harceler les militants et d'entraver l'accès du public à l'information, le gouvernement devrait appuyer le rôle crucial des militants dans la défense des droits humains et dans la lutte contre la corruption, ont conclu Human Rights Watch et la Clinique Lowenstein de l’Université de Yale.

En 2012, environ 30 pour cent du budget national de l'Ouganda provenait de l'appui des bailleurs de fonds. Ces derniers ont suspendu l'aide à plusieurs reprises en réponse à la corruption de grande envergure, mais le financement des bailleurs de fonds a presque toujours repris malgré l'absence d’une réforme significative ou de poursuites de haut niveau. Les bailleurs de fonds internationaux devraient se concentrer davantage sur les stratégies qui favoriseront l’obligation de rendre des comptes aux plus hauts niveaux du gouvernement et veiller à ce que tout nouvel engagement soit basé sur des modifications concrètes aux structures anti-corruption de l'Ouganda.

Les bailleurs de fonds internationaux devraient également soutenir activement et ouvertement les militants qui travaillent pour documenter et sensibiliser sur le sujet de la corruption, en soutenant financièrement leur travail, en dénonçant publiquement leur arrestation et leur harcèlement, et en leur rendant visite en détention policière.

« Le gouvernement et ses bailleurs de fonds doivent travailler plus énergiquement pour s'assurer que l'administration du président Museveni soit à la hauteur de ses promesses de lutte contre la corruption », a conclu Maria Burnett. « Cela signifie placer derrière les barreaux les membres du gouvernement, notamment les personnalités politiques, s'ils se sont rendus coupables de corruption. »

 

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