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CIO : Les candidats à la présidence doivent aborder d'importantes questions relatives aux droits humains

Lettre de HRW et CPJ concernant les questions de droits humains dans les pays accueillant le JO

Le 2 août 2013

New York, NY

 

À l'attention des candidats à la présidence du Comité International Olympique (CIO)

c/o Comité International Olympique

Château de Vidy

1007 Lausanne, Confédération Helvétique

 

Sujet:Questionnaire destiné à tous les candidats à la présidence du CIO concernant l'idéal olympique et les droits humains   

 

Nous vous écrivons au sujet de l'élection du prochain président du Comité International Olympique, qui aura lieu lors de la 125e session du CIO le 10 septembre à Buenos Aires.

Nos deux organisations, Human Rights Watch et le Comité pour la Protection des Journalistes, sont profondément préoccupées par les graves violations des droits humains commises dans le contexte de l'organisation des Jeux Olympiques d'hiver de 2014 à Sotchi, notamment par la détérioration de la situation en matière de liberté de la presse en Russie, et plus généralement par le risque que des abus similaires se produisent à l'avenir dans de futurs pays hôtes si des réformes systémiques ne sont pas mises en place au sein du Mouvement Olympique.

Le Comité International Olympique est « l'autorité suprême du Mouvement olympique». Les principes fondamentaux de l'Olympisme, inscrits dans la Charte olympique,consistent notamment à mettre «le sport au service du développement harmonieux de l'humanité en vue de promouvoir une société pacifique, soucieuse de préserver la dignité humaine». Le document final du 13e Congrès olympique, qui s'est tenu en 2009, affirme que « tous les membres du Mouvement olympique devraient œuvrer de concert pour le développement harmonieux des hommes et des femmes dans le but de promouvoir par le sport une société pacifique, fondée sur les valeurs et principes communs inhérents à une société civilisée ». Afin de mettre en œuvre cette recommandation, le CIO s'est engagé à intervenir au niveau du Comité d'organisation des Jeux olympiques des pays hôtes « en cas d'abus graves»,notamment en cas de « mauvais traitement de personnes déplacées en raison de travaux de construction sur les sites olympiques ; mauvais traitement de travailleurs migrants sur les chantiers de construction de sites olympiques ; embauche d'enfants et imposition de restrictions inappropriées à la liberté des médias couvrant les Jeux, y compris leurs aspects culturels ».

Depuis 2006, période où se préparaient les Jeux olympiques d'été de 2008 à Pékin, Human Rights Watch a pressé à plusieurs reprises le CIO de s'occuper du problème des violations des droits humains commises dans le contexte olympique, par des lettres ou des propositions officielles et à l'occasion de réunions. En 2009, à l'approche du Congrès olympique de Copenhague, Human Rights Watch a soumis une contribution détaillée appelant les membres du Mouvement olympique à créer un organe permanent chargé d'observer la situation en matière de droits humains dans les pays hôtes avant, pendant et après la tenue de Jeux olympiques. Human Rights Watch a également diffusé largement les dispositions de la Charte olympique sur la non-discrimination et plaidé vigoureusement en leur faveur, y compris pour le droit des femmes d'Arabie saoudite à participer aux Jeux de Londres en 2012 et contre la législation contraire aux droits des personnes LGBT adoptée par le gouvernement russe à l'approche des Jeux d'hiver de Sotchi. 

Le Comité pour la protection des journalistes (CPJ) a amené des délégations de journalistes à Lausanneet à Pékinpour plaider en faveur de la liberté des médias et de l'Internet, qui est une exigence fondamentale pour tous les pays hôtes.

En ce qui concerne Sotchi 2014, le CPJ est particulièrement préoccupé par le climat de plus en plus hostile à la presse et à la liberté d'expressionen Russie, qui est entretenu au plus haut niveau de l’Etat. Le CPJ est également préoccupé par l'état d'esprit xénophobe entretenu dans la sociétépar le Kremlin – ce qui n'est pas une attitude saine pour un pays qui se prépare à accueillir des athlètes, des journalistes et des visiteurs du monde entier à l'occasion de ces Jeux. Parmi les mesures hostiles à la presse prises récemment, on relève la re-pénalisation de la diffamationet la censure de l'Internet,les menaceset attaquescontinuelles contre les journalistes, les assassinats de membres de cette professionet l'impunitépersistante dans ce type d'affaire.

Les inquiétudes suscitées par cette impunité sont particulièrement grandes en ce qui concerne les meurtres commis dans la région russe du Caucase du nord, dont Sotchi est proche. Étant donné la proximité géographique de cette région instable avec le site des Jeux olympiques, le CPJ craint que des questions de sécurité soient invoquées comme prétexte pour empêcher l'accès des journalistes aux informations et aux événements locaux d'intérêt public.

Du fait que le futur président du CIO sera notamment chargé de faire respecter les principes fondamentaux de la Charte olympique, nous estimons que le processus de sélection devrait comprendre une présentation claire des vues de chaque candidat sur les principales questions relatives à ces principes. Nous avons préparé une série de questions, auxquelles nous prions instamment chaque candidat de répondre. Nous rendrons ces réponses publiques. 

 

Six questions à l'intention des candidats à la présidence du CIO

 

1. Sur le deuxième principe fondamental de l'Olympisme

Selon le deuxième principe fondamental de l'Olympisme, « le but de l’Olympisme est de mettre le sport au service du développement harmonieux de l’humanité en vue de promouvoir une société pacifique, soucieuse de préserver la dignité humaine ».

  • En tant que président du CIO, quelles mesures précises prendrez-vous afin d'assurer que le processus de sélection des futurs pays hôtes comprenne une évaluation approfondie et sérieuse des engagements de leurs gouvernements à respecter les droits humains en conformité avec ce principe et avec les normes internationales en matière de droits humains ?

 

2. Sur le principe de non-discrimination

Le sixième principe fondamental de l'Olympisme stipule que « toute forme de discrimination à l’égard d’un pays ou d’une personne fondée sur des considérations de race, de religion, de politique, de sexe ou autres est incompatible avec l’appartenance au Mouvement olympique ».

  • En tant que président du CIO, quelles mesures précises exigerez-vous que les futurs pays hôtes et les nations participantes prennent afin d'assurer le plein respect du principe de non-discrimination, par exemple le droit des femmes et des athlètes LGBT de toutes les nations participantes de concourir aux Jeux olympiques ? Comment vous assurerez-vous que la sécurité des athlètes LGBT et des invités LGBT des Jeux soit garantie, même quand l'homosexualité est considérée comme un crime dans le pays hôte ?

 

3. Sur le principe de la liberté de la presse

La règle 48 de la Charte olympique stipule que « le CIO prend toutes les mesures nécessaires afin d’assurer aux Jeux Olympiques la couverture la plus complète par les différents moyens de communication et d’information ainsi que l’audience la plus large possible dans le monde ».

  • En tant que président du CIO, quelles dispositions précises exigerez-vous de la part des pays hôtes pour assurer que les médias soient en mesure d'effectuer « la couverture la plus complète» des Jeux, sans restriction, permettant aux journalistes nationaux et étrangers de travailler librement, y compris sur des violations possibles des droits humains commises durant le contexte des Jeux (avant, pendant et immédiatement après la tenue des Jeux) ? Comment auriez-vous réagi au manquement du gouvernement chinois à sa promesse de lever toutes les restrictions d'accès à l'Internet et au reportage des événements avant et pendant les Jeux Olympiques de 2008 ? 

 

4. Sur les préoccupations concernant les droits humains dans le contexte des Jeux olympiques d'hiver de 2014 à Sotchi

Comme le CIO le sait, Human Rights Watch et le CPJ ont exprimé et diffusé auprès du public depuis quatre ans les graves préoccupations que leur inspirent les violations constantes des droits humains liées aux préparatifs des Jeux d'hiver de 2014 à Sotchi, parmi lesquelles des exactions commises à l'encontre des travailleurs migrants décrites dans le rapport « Course vers le bas » (« Race to the Bottom»), des expulsions de force, des mesures de répressionà l'égard de la presse et de la société civile, ainsi qu'une nouvelle loihomophobe pernicieuse.

  • En tant que président du CIO, quelles mesures précises prendrez-vous pour faire respecter la liberté de la presse, pour obtenir la cessation des menaces à l'encontre de la société civile et l'annulation des lois homophobes en Russie, pays hôte des futurs Jeux de Sotchi ? Quelles mesures prendrez-vous pour faire en sorte que des personnes ne soient pas expulsées de force de leurs logements sans indemnisation et que les travailleurs employés sur les sites olympiques ne soient pas exploités ?

 

5. Sur la nécessité d'une réforme systémique au sein du Mouvement olympique

Human Rights Watch a présenté une propositionen vue d'une réforme au sein du Mouvement olympique lors du Congrès olympique de Copenhague en 2009, appelant à la « création d'un comité permanent du CIO qui serait chargé d'observer la situation en matière de droits humains dans les pays hôtes». Dans un rapportrécent, le CPJ a affirmé qu'une position cohérente sur les droits fondamentaux ne diminuerait pas le prestige du CIO mais au contraire le renforcerait ; une attitude hésitante quand il s'agit de promouvoir les droits humains entache la réputation des Jeux Olympiques.

  • En tant que président du CIO, quelles mesures précises prendrez-vous pour appuyer la création d'un tel comité ou d'un organe similaire pour surveiller et contrôler les violations des droits humains occasionnées par les Jeux Olympiques et pour assurer que les pays hôtes remplissent leurs engagements en matière de droits humains, y compris en respectant la liberté de la presse et le principe de non-discrimination ?

 

6.  Disposition à rencontrer les parties prenantes de l'Olympisme

Afin de discuter de ces questions, parmi d’autres, nous sollicitons une séance d'entretien avec tous les candidats au cours de laquelle nous proposons de vous rendre compte de nos recherches sur les violations des droits humains occasionnées par les préparatifs des Jeux d'hiver de 2014 à Sotchi et par ceux de précédents Jeux Olympiques, et de vous donner l'occasion de présenter votre position en ce qui concerne la liberté de la presse et les droits humains au sein du Mouvement olympique. Nous disposons d'équipes dans toutes les régions du monde et pouvons vous rencontrer à New York ou dans toute autre capitale, selon votre convenance. 

  • En tant que candidat à la présidence du CIO, serez-vous d’accord pour nous rencontrer ? Le respect des droits humains constituera-t-il un élément central de votre dossier de candidature ?

 

Dans l'attente de vos réponses, nous vous remercions à l'avance de l'attention que vous voudrez bien porter à nos préoccupations.

 

Veuillez agréer l'expression de notre haute considération.

 

Minky Worden                                                                                         

Directrice pour les Initiatives mondiales       

Human Rights Watch                                                                           

 

Jane Buchanan                                                           

Directrice adjointe de la division Europe et Asie centrale

Human Rights Watch                                               

 

Joel Simon

Directeur exécutif

Comité pour la protection des journalistes  

 

Nina Ognianova

Coordinatrice de programmes, Europe et Asie centrale

Comité pour la protection des journalistes

 

Cc: Mark Adams, Directeur de la Communication, CIO.

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