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Kenya : Le gouvernement doit s’assurer que les élections se déroulent sans violence

Les autorités devraient s'attaquer aux problèmes des violations des droits humains et de l'impunité avant le scrutin du 4 mars

(Nairobi, le 8 février 2013) – Le peu de progrès effectué par le gouvernement kenyan dans la mise en place de réformes auxquelles il s'est engagé et le fait qu'il a failli à son devoir de s'occuper sérieusement des violations passées et actuelles des droits humains, ont contribué à une hausse des tensions au Kenya à l'approche des élections nationales du 4 mars 2013, a déclaré Human Rights Watch dans un rapport publié aujourd'hui. Les autorités devraient prendre d'urgence des mesures, dont l'arrestation et le procès équitable de toutes les personnes qui incitent directement à la violence ou qui l'organisent, afin d'assurer que les élections soient pacifiques, libres et justes.

Ce rapport de 58 pages, intitulé High Stakes: Political Violence and the 2013 Elections in Kenya (« Gros enjeux: La violence politique dans le contexte des élections de 2013 au Kenya ») présente un pays en grand danger de sombrer dans la violence, du fait que le gouvernement a failli à son devoir d'effectuer des réformes nécessaires. Dès 2012 et le début de 2013, des heurts intercommunautaires survenus dans plusieurs régions du Kenya, ont fait plus de 477 morts et entraîné le déplacement d'environ 118.000 personnes. Beaucoup de ces incidents ont été la conséquence de manœuvres pré-électorales lors desquelles des politiciens locaux mobilisaient leurs partisans. La police et les autres autorités ont régulièrement failli à leur obligation d'empêcher les violences ou de faire rendre des comptes aux responsables.

« La violence n'est pas inévitable, mais les signes avant-coureurs sont trop clairs pour qu'on les ignore», a déclaré Daniel Bekele, directeur de la division Afrique à Human Rights Watch. « Le gouvernement s'est abstenu de s'occuper des causes profondes des violences qui ont entaché les élections pluralistes depuis 1992, en particulier des atrocités commises en 2007-2008, par conséquent des mesures d'urgence sont nécessaires pour protéger les Kenyans.»

À la suite des dernières élections nationales de 2007, les heurts interethniques et les violences policières avaient fait environ 1.300 morts et provoqué le déplacement de 650.000 personnes. Au début de 2012, le procureur de l'État a annoncé qu'il avait ouvert environ 5.000 dossiers à charge mais jusqu'à présent, 14 personnes seulement ont été déclarées coupables de certains des graves crimes post-électoraux commis il y a cinq ans.

Les élections du mois de mars seront les premières à se dérouler dans le cadre de la nouvelle constitution du Kenya, promulguée en 2010. Pour promouvoir la décentralisation, les Kenyans sont appelés à élire un président et de nombreux responsables locaux, dans 47 circonscriptions électorales -- des comtés -- nouvellement créées.

« Les communautés se préparent – elles sont en train de s'armer», a déclaré un membre d'une organisation non gouvernementale locale. « Partout, on entend dire: ‘Cette fois, nous ne serons pas pris au dépourvu’».

Le rapport est basé sur des entretiens avec plus de 225 personnes à travers tout le Kenya, en particulier dans les régions du Centre, de la Côte, de l'Est, du Nord-Est, de Nyanza et de la vallée du Rift. Les dynamiques et les risques sont différents dans chacune de ces régions, a indiqué Human Rights Watch.

Dans la province de la Côte, le gouvernement est confronté à un groupe sécessioniste qui est opposé aux élections, ainsi qu'à un violent conflit interethnique. Dans les provinces de Nyanza et du Centre, des politiciens locaux sont soutenus par de puissantes organisations criminelles et par des bandes armées. Dans le Nord-Est, les forces de sécurité gouvernementales ont attisé les tensions en ayant recours à une force excessive contre des résidents, en particulier après des attaques commises par des groupes armés contre la police et l'armée.

L'opinion qui revient comme un leitmotiv à travers le pays est que le gouvernement, le système judiciaire et les autres autorités n'ont aucune volonté de réformer la police, de combattre la corruption, de démanteler les organisations criminelles, de reloger les personnes déplacées et de faire rendre des comptes aux responsables des violences. La quasi-totale impunité pour les meurtres, les viols et les déplacements forcés commis après les élections de 2007 est telle que les auteurs de ces crimes peuvent se sentir encouragés à récidiver.

« Les victimes des violences estiment que la justice les a ignorées et les personnes qui ont commis ces violences se sentent à l'abri de la loi», a ajouté Daniel Bekele. « Il s'agit là d'un cocktail dangereux à l'approche des nouvelles élections».
 

Constatant l'absence de poursuites judiciaires internes pour les crimes les plus graves commis lors des violences de 2007-2008, la Cour pénale internationale (CPI) est entrée en scène. Quatre Kenyans ont été inculpés de crimes contre l'humanité par la CPI et leurs procès doivent s'ouvrir en avril. Deux de ces quatre suspects, Uhuru Kenyatta et William Ruto, se présentent ensemble aux élections de mars pour la présidence et la vice-présidence, ce qui en accroît encore les enjeux.
 

Une coopération totale avec la CPI est essentielle pour assurer que la Cour puisse progresser dans la voie de ces procès, a affirmé Human Rights Watch.Le procureur de la CPI a indiqué que le gouvernement kenyan avait été très lent à répondre à ses demandes d'assistance judiciaire.

Le rapport désigne l'absence de réforme de la police comme étant une source de grave préoccupation. Bien qu'ayant été identifiée à plusieurs reprises comme posant problème, la police est toujours en effectifs insuffisants et sous-équipée, a déclaré Human Rights Watch. Lors de heurts violents en 2012 et au début de 2013, la police s'est souvent abstenue d'intervenir. Quand elle l'a fait, elle a souvent utilisé la force de manière excessive et sans discernement. De nombreux Kenyans à travers le pays ont indiqué à Human Rights Watch qu'ils considéraient la police comme inefficace et corrompue.
 

Les causes sous-jacentes des violences électorales remontant jusqu'à 1992 sont restées non résolues, a souligné Human Rights Watch. Elles comprennent des disputes relatives à la propriété foncière et à l'inégale distribution des ressources nationales. Le gouvernement avait promis de s'occuper de cette question fondamentale et de beaucoup d'autres, à la suite des violences de 2007-2008, mais il ne l'a pas fait de manière adéquate, a estimé Human Rights Watch.

Pour les besoins de ce rapport, Human Rights Watch a soumis des questions détaillées, sur les efforts du gouvernement pour tenir des élections libres, équitables et sans violences, au Premier ministre et aux ministres de l'Administration provinciale et de la Sécurité intérieure, de la Justice et des Programmes spéciaux, mais le gouvernement n'a pas répondu.

Afin de minimiser les risques de violence en mars, Human Rights Watch a recommandé que le gouvernement déploie des policiers en nombre adéquat dans les zones de conflit potentiel et assure qu'ils s'acquittent de leurs tâches de manière impartiale et dans le plein respect de la loi. Les autorités de la justice pénale devraient enquêter sans retard sur tout incident violent éventuel, a déclaré Human Rights Watch. Dans les cas où des éléments de preuve seront disponibles, ces autorités devraient ouvrir des poursuites judiciaires contre quiconque sera soupçonné d'avoir incité à la violence, ou préparé ou organisé des actes de violence, même s'il s'agit de responsables gouvernementaux ou de candidats à un mandat électif.

L'Union africaine (UA) et les principaux partenaires du Kenya devraient exercer des pressions soutenues et coordonnées sur le gouvernement kenyan, pour qu'il fasse en sorte que les élections soient libres, équitables et pacifiques, a affirmé Human Rights Watch. Il est d'une importance capitale que le gouvernement kenyan lance rapidement des enquêtes et des procédures judiciaires au sujet des crimes commis lors des épisodes de violence politique passés, actuels et à venir, ainsi que sur les autres violations des droits humains liées aux élections, a insisté Human Rights Watch. Le Secrétaire général de l'ONU, Ban Ki-moon, devrait se joindre à la présidente de l'Union africaine, Nkosazana DlaminiZuma, pour adresser au Kenya un message ferme en ce sens.

« Le moment est venu pour les partenaires internationaux du Kenya de l'aider à s'acquitter de sa responsabilité de protéger sa population», a conclu Daniel Bekele. « L'ONU, l'UA et les alliés du Kenya devraient aider ce pays à éviter les violences et à être prêt à apporter une réponse adéquate si ces efforts de prévention devaient échouer».

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