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Côte d’Ivoire : Les juges de la CPI donnent leur accord pour l’ouverture d’une enquête

Il s’agit d’un pas important pour les victimes, mais l’engagement de poursuites pour les crimes commis avant les élections s’avère également crucial

(Bruxelles, le 3 octobre 2011) – En autorisant le procureur de la Cour pénale internationale (CPI) à ouvrir une enquête sur les crimes perpétrés lors des violences postélectorales qui ont ravagé le pays, les juges de la CPI ont fait un pas important sur le chemin de la justice pour les victimes en Côte d’Ivoire, a déclaré Human Rights Watch aujourd’hui.

 

En mai dernier, le président ivoirien Alassane Ouattara a demandé à la CPI d’ouvrir une enquête sur les violences postélectorales, indiquant que les tribunaux ivoiriens ne seraient pas capables d’engager des poursuites contre les responsables au plus haut niveau pour les crimes les plus graves commis dans le pays.

« Les juges de la CPI ont pris une mesure cruciale pour que les individus qui ont perpétré les crimes les plus graves en Côte d’Ivoire soient tenus de répondre de leurs actes », a souligné Elise Keppler, juriste senior au programme de justice internationale de Human Rights Watch. « La cour a répondu à la demande du président ivoirien d’ouvrir une enquête afin de veiller à ce que justice soit rendue. »
 

La majorité des juges a demandé au procureur de fournir des informations supplémentaires concernant les crimes commis entre 2002 et 2010 dans un délai d’un mois, afin qu’ils puissent décider si l’enquête devrait être élargie en vue de couvrir cette période.

 

Des crimes graves commis en violation du droit international – notamment des crimes de guerre et probablement des crimes contre l’humanité – ont été perpétrés par les forces fidèles à l’ex-président Laurent Gbagbo et par celles fidèles au président actuel Ouattara entre décembre 2010 et avril 2011. Les crimes définis dans le Statut de Rome de la CPI et dénoncés par Human Rights Watch en janvier, mars, avril et juin de cette année comprenaient des meurtres, des viols et autres violences sexuelles, des disparitions forcées, ainsi que des attaques délibérées contre la population civile.

Toutefois ces violences postélectorales ne font que s’ajouter aux violations des droits humains qui ont marqué la Côte d’Ivoire pendant plus de dix ans, commençant avec les violences électorales de 2000 et se poursuivant lors du conflit armé de 2002-2003 et dans sa foulée. Human Rights Watch, les Nations Unies et d’autres sources ont recueilli des informations sur les violations graves du droit international commises par les forces placées sous le contrôle de Gbagbo et par l’ex-armée rebelle se trouvant sous le commandement du premier ministre actuel, Guillaume Soro, notamment des meurtres, des violences sexuelles et l’utilisation d’enfants soldats. Personne n’a fait l’objet de poursuites crédibles pour les crimes commis pendant cette période et un rapport produit en 2004 par la Commission d’enquête de l’ONU sur les crimes perpétrés lors du conflit de 2002-2003 a été tenu secret.

 

 « Au cours de la dernière décennie – pas seulement de l’année écoulée – la Côte d’Ivoire a été le théâtre d’effroyables exactions », a déclaré Elise Keppler. « L’enquête devrait couvrir les crimes commis avant l’élection afin que la participation de la CPI ait le maximum d’impact. »

En juillet dernier, 40 associations de la société civile ivoirienne ont publié une déclaration appelant à l’ouverture d’une enquête de la CPI pour examiner les crimes commis depuis 2002.
 

Même si la CPI ouvre une enquête qui couvre les crimes commis avant 2010, force est de constater que le procureur de la CPI n’a, jusqu’à présent, engagé qu’un faible nombre de poursuites dans les situations faisant l’objet d’une enquête. Human Rights Watcha appelé les pays bailleurs de fonds et les institutions à aider la Côte d’Ivoire à trouver le soutien dont elle a besoin pour engager des poursuites nationales crédibles, impartiales et indépendantes pour les crimes graves qui violent le droit international, en dehors des affaires traitées par la CPI.
 

« Pour que justice soit rendue en Côte d’Ivoire, il faudra davantage que des poursuites engagées par la CPI », a expliqué Elise Keppler. « Des procès équitables et efficaces tenus devant les tribunaux nationaux sont également nécessaires. Les bailleurs de fonds devraient aider la Côte d’Ivoire dans cette démarche, particulièrement pour veiller à ce que les procédures ne visent pas uniquement le camp Gbagbo. »

Des enquêtes ont été ouvertes et des poursuites judiciaires engagées au niveau national pour les crimes postélectoraux, mais elles semblent d’une partialité aveuglante. Les procureurs militaires et civils ont retenu des charges à l’encontre d’au moins 118 alliés de Gbagbo pour des crimes allant du meurtre au viol, en passant par la dissimulation de corps. En contraste flagrant avec les poursuites menées à l’encontre des partisans de Gbagbo, aucun membre des forces armées fidèles à Ouattara durant le conflit n’a été arrêté pour des crimes commis au cours de cette période. Les forces pro-Ouattara portaient le nom de Forces républicaines de Côte d’Ivoire pendant le conflit armé, mais le 2 septembre, l’armée réunifiée a choisi de revenir au nom qu’elle portait antérieurement, à savoir Forces armées nationales de Côte d’Ivoire (FANCI).

La Côte d’Ivoire n’est pas un État partie à la CPI, mais en 2003, le gouvernement ivoirien a déposé une déclaration par laquelle il acceptait la compétence de la cour pour les événements survenus après le 19 septembre 2002. Ouattara a confirmé la déclaration fin 2010. Bien que ces déclarations reconnaissent la compétence de la cour, elles ne déclenchent pas une enquête de la CPI, laquelle requiert un renvoi de la situation par un État partie à la CPI, un renvoi par le Conseil de sécurité de l’ONU, ou une décision du procureur d’agir de sa propre initiative.

 

Human Rights Watch a vivement recommandé au gouvernement ivoirien de ratifier le Statut de Rome de la CPI afin d’en devenir un État partie le plus rapidement possible.

 

Le 23 juin 2011, le procureur de la CPI a demandé l’autorisation d’ouvrir une enquête sur les crimes perpétrés dans la foulée du scrutin présidentiel organisé en Côte d’Ivoire en novembre 2010. Une décision du procureur de la CPI d’agir de sa propre initiative pour ouvrir une enquête – c’est-à-dire de recourir à son pouvoir propio motu – requiert l’approbation des juges de la cour.

 

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