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Côte d'Ivoire : Appel à la protection des populations civiles et au respect de leurs droits fondamentaux

Cet appel a été lancé par plusieurs organisations africaines et internationales dont Human Rights Watch

(16 décembre 2010) – Profondément préoccupées par la situation politique et sécuritaire qui prévaut actuellement en Côte d'Ivoire, nos organisations condamnent avec la plus grande fermeté les actes de violence perpétrés à l'encontre des populations civiles ainsi que les nombreuses entraves à leurs droits et libertés fondamentaux. Craignant une escalade de la violence à l'occasion des marches prévues les jeudi 16 et vendredi 17 décembre 2010, nos organisations demandent aux responsables politiques ivoiriens d'appeler leurs partisans au calme et à la non-violence.

Depuis l'annonce par le Conseil constitutionnel ivoirien, le 3 décembre 2010, de la victoire de Laurent Gbagbo, invalidant par la même occasion les résultats annoncés la veille par la Commission électorale indépendante (CEI) qui proclamait quant à elle la victoire d'Alassane Dramane Ouattara, la Côte d'Ivoire vit dans une situation de blocage politique et institutionnel sans précédent. Les actes de violence perpétrés illégalement à l'encontre des populations civiles depuis la fin du second tour de l'élection présidentielle et les nombreuses entraves à leurs droits et libertés fondamentaux sont les conséquences directes de ces blocages.

Les actes de violences auraient jusqu'à présent causé, sur l'ensemble du territoire, la mort de plusieurs dizaines de personnes, fait plusieurs centaines de blessés et poussé près de 3 700 personnes à fuir la Côte d'Ivoire pour trouver refuge dans les pays voisins, notamment au Libéria[1]. La multiplication des actes d'intimidation et de menaces à l'encontre des populations perçues comme soutenant l'un ou l'autre des deux opposants, de même que des informations faisant état de la présence de plusieurs miliciens, y compris provenant de l'étranger, et de la circulation d'armes illégales, sont des faits tout aussi préoccupants.

Les libertés publiques sont elles aussi fortement menacées. Le 2 décembre 2010, sous couvert de "maintien de la paix sociale", le Conseil national de la communication audiovisuelle a décidé de suspendre la diffusion des médias internationaux, privant ainsi les populations ivoiriennes de leur droit à l'information. Certains journalistes feraient quant à eux l'objet d'actes d'intimidation et de pressions, entravant ainsi leur liberté d'expression. Le couvre-feu instauré à la veille de l'élection présidentielle et qui vient d'être prolongé d'une semaine porte atteinte à la liberté de circulation des civils. Et la situation économique actuelle, marquée entre autres par une flambée des prix des denrées alimentaires, risque fortement de se détériorer ; les premières victimes en sont une fois de plus les populations civiles.

Guillaume Soro, Premier Ministre nommé par Alassane Ouattara, a annoncé qu'il investirait jeudi 16 décembre 2010 le siège de la télévision publique ivoirienne et qu'il tiendrait un Conseil des ministres dans les locaux de la Primature dès le lendemain. Les marches prévues dans le cadre de ces événements laissent craindre des actes de violence. Nos organisations rappellent qu'en effet, le lundi 13 décembre, des militaires des Forces nouvelles et de l'ONUCI ont procédé à des tirs de sommation pour disperser des éléments de la garde républicaine loyale à Laurent Ggabo qui avaient installé un barrage devant l'hôtel du Golfe où est actuellement retranché le gouvernement d'Alassane Ouattara.

Nos organisations exhortent par conséquent:

  • Les responsables politiques des deux partis à faire preuve de responsabilité dans la gestion de la crise politique et institutionnelle actuelle en prenant toutes les mesures nécessaires pour prévenir toute escalade de la violence et ainsi garantir la sécurité et l'intégrité physique des populations civiles ivoiriennes. Nos organisations demandent en particulier aux responsables politiques d'appeler leurs partisans à garder leur calme et à éviter tout acte de violence.
  • Les responsables militaires, en particulier les Commandants de la Garde républicaine, de la Marine nationale et du Centre de Commandement des opérations de sécurité, ainsi que les forces armées des Forces nouvelles, à prendre toutes les mesures nécessaires pour éviter les actes de violence commis illégalement par les forces de défense et de sécurité, sous peine de voir leur responsabilité pénale engagée.
  • Les responsables politiques et militaires à garantir l'ensemble des droits et libertés fondamentaux des Ivoiriens, notamment en rétablissant la diffusion des médias internationaux.
  • Les médias qui opèrent sur l'ensemble du territoire à faire preuve de responsabilité en s'abstenant de tout appel à la haine et à la violence.
  • L'ONUCI à se conformer aux dispositions de son mandat visant à "protéger [...] les civils soumis à des menaces imminentes de violence physique" et à "recueillir [...] les armes et tout matériel connexe" qui circulent illégalement sur l'ensemble du territoire.

Nos organisations rappellent par ailleurs que le bureau du Procureur de la Cour pénale internationale (CPI) a exhorté les partisans des deux opposants et les forces de sécurité à s'abstenir de toute violence et a indiqué que "tous les actes de violence seront examinés minutieusement par le Bureau en vue de déterminer si des crimes relevant de la compétence de la Cour sont commis et devraient justifier une enquête".

Organisations signataires :

  • Action des chrétiens pour l'abolition de la torture (ACAT) - Côte d'Ivoire
  • Association mauritanienne des droits de l'Homme (AMDH) - Mauritanie
  • Association nigérienne pour la défense des droits de l'Homme (ANDDH) - Niger
  • Convention de la société civile ivoirienne (CSCI)
  • Fédération internationale de l'action des chrétiens pour l'abolition de la torture (FIACAT)
  • Fédération internationale des ligues des droits de l'Homme (FIDH)
  • Groupe Lotus - République démocratique du Congo
  • Human Rights Watch
  • International Refugees Rights Initiative (IRRI)
  • La Voix des Sans Voix pour les droits de l'Homme (VSV) - République démocratique du Congo
  • Ligue des électeurs (LE) - République démocratique du Congo
  • Ligue burundaise des droits de l'Homme (ITEKA) - Burundi
  • Ligue ivoirienne des droits de l'Homme (LIDHO) - Côte d'Ivoire
  • Ligue sénégalaise des droits humains - Sénégal
  • Ligue tchadienne des droits de l'Homme (LTDH) - Tchad
  • Ligue togolaise des droits de l'Homme (LTDH) - Togo
  • Maison des droits de l'Homme du Cameroun - Cameroun
  • Mouvement burkinabé des droits de l'Homme et des peuples (MBDHP) - Burkina Faso
  • Mouvement ivoirien des droits humains (MIDH) - Côte d'Ivoire
  • Organisation guinéenne pour la défense des droits de l'Homme (OGDH) - Guinée-Conakry
  • Observatoire congolais des droits de l'Homme (OCDH) - République du Congo
  • Rencontre africaine pour la défense des droits de l'Homme (RADDHO) - Sénégal
  • Union interafricaine des droits de l'Homme (UIDH)


[1] Cf. Communiqué de l'Agence des Nations unies pour les réfugiés, Des réfugiés ivoiriens continuent à fuir au Libéria, http://www.unhcr.fr/4d077e083.html

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