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RD Congo : 100 000 civils courent le risque d’être attaqués

Les civils ont désespérément besoin de davantage de soldats de maintien de la paix de l’ONU et d’une aide humanitaire renforcée

(Goma) - Plus de 100 000 civils déplacés dans le territoire de Lubero, dans l'est de la République démocratique du Congo, ont désespérément besoin de protection contre de nouvelles attaques de la part des milices rwandaises et des forces congolaises, a déclaré Human Rights Watch aujourd'hui. Human Rights Watch a exhorté la force de maintien de la paix des Nations Unies ainsi que les agences humanitaires à prendre des mesures urgentes pour renforcer la protection et l'assistance aux civils en danger.

A mi-janvier 2009, les forces gouvernementales congolaises - soutenues initialement par les Forces de défense rwandaises et ensuite par la force de maintien de la paix de l'ONU, la MONUC - ont mené des opérations militaires contre deux milices rwandaises, les Forces démocratiques de libération du Rwanda (FDLR) et le Ralliement pour l'unité et la démocratie (RUD). Selon l'ONU, les récents combats ont forcé plus de 100 000 personnes à abandonner leurs maisons dans le territoire de Lubero, situé dans la province du Nord Kivu, pour essayer de fuir rapidement les lignes de front changeantes, portant à 250 000 le nombre de personnes qui ont pris la fuite depuis le mois de janvier.

« Les civils qui fuient pour sauver leur vie sont pris entre le marteau et l'enclume, et ne savent où se mettre à l'abri », a observé Anneke Van Woudenberg, chercheuse senior pour l'Afrique à Human Rights Watch. « Ils ont un besoin urgent de protection et d'assistance humanitaire, mais il y a trop peu de soldats de maintien de la paix et d'agences de l'ONU pour les aider. »

Un grand nombre de ces civils ont cherché refuge dans les villages et les villes de Luofo, Kayna, Kirumba, Kanyabayonga et Kasegbe, dans le territoire de Lubero, localités dont certaines ont ensuite été attaquées par les milices rwandaises. Selon les informations recueillies par les chercheurs de Human Rights Watch au Lubero, au moins 35 civils ont été tués, 91 femmes et filles violées, et des centaines de maisons réduites en cendres depuis le début des opérations. Les combattants rwandais ainsi que les soldats de l'armée congolaise sont responsables de ces attaques, chaque côté accusant les civils de soutenir  l'autre côté. Les forces supplémentaires de maintien de la paix de l'ONU ne sont toujours pas arrivées.

Lors d'une attaque le 17 avril, cinq enfants ont été brûlés vifs quand les milices rwandaises ont attaqué le village de Luofo, où plus de 12 000 personnes déplacées avaient cherché refuge. L'attaque semble avoir été menée en représailles contre la population en réponse aux opérations militaires du gouvernement. Les autorités locales ont indiqué avoir reçu, deux jours après l'attaque, une lettre d'un commandant de la milice RUD affirmant que les gens se trouvant à Luofo « continueraient à être brûlés et enterrés ».

Des meurtres similaires commis en représailles par l'autre milice rwandaise, les FDLR, ont été documentés par Human Rights Watch dans des zones du Nord et du Sud Kivu. Human Rights Watch a réitéré son appel aux milices rwandaises pour qu'elles mettent immédiatement fin à leurs attaques délibérées contre les civils, qui constituent des crimes de guerre.

L'attaque contre Luofo a eu lieu cinq jours seulement après que la force de maintien de la paix de l'ONU ait retiré du village sa base opérationnelle temporaire, à l'arrivée de soldats de l'armée congolaise. Du fait que les troupes de maintien de la paix sont étirées de façon clairsemée à travers l'est du Congo, les fonctionnaires de l'ONU ont expliqué que leur présence revêtait une nécessité plus urgente dans d'autres villes.

L'ONU dispose de moins de 400 soldats de maintien de la paix dans le territoire de Lubero, dans deux bases à Kanyabayonga et Lubero, ainsi que deux bases temporaires récemment créées à Luofo et Kirumba. Les milices rwandaises ont menacé d'attaquer prochainement les villes voisines de Kirumba et de Kayna, qui abritent plus de 35 000 personnes déplacées.

Les 3 000 soldats de maintien de la paix supplémentaires autorisés par le Conseil de sécurité de l'ONU en novembre 2008 ne sont toujours pas arrivés dans l'est du Congo, en dépit des promesses faites par les membres du Conseil selon lesquelles ils encourageraient un déploiement rapide. Les hélicoptères et l'aide en matière de renseignement, dont la mission a désespérément besoin, ne se sont pas non plus concrétisés. Le 9 avril à New York, Alan Doss, le chef de la force de maintien de la paix de l'ONU, a averti le Conseil de sécurité que, sans ces aides, la « capacité [de la MONUC] à répondre rapidement aux menaces émergeantes et à protéger les civils serait réduite ».

« Les membres du Conseil de sécurité de l'ONU ont confié à la MONUC un mandat fort de protection des civils, mais sans leur donner les moyens de remplir ce mandat », a déploré Anneke Van Woudenberg. « Les membres du Conseil de sécurité devraient immédiatement fournir le soutien qu'ils ont promis. »

Les soldats du gouvernement congolais responsables de la protection de leurs compatriotes ont eux-mêmes été impliqués dans bon nombre des exactions. Sur les 91 femmes et filles qui ont été de façon avérée victimes de violences sexuelles au cours des derniers mois, 56 au moins ont indiqué qu'elles avaient été violées par des soldats du gouvernement, qui dans plusieurs cas ont accusé leurs victimes d'être mariées à des combattants FDLR. Les troupes gouvernementales, peu disciplinées et non payées, ont incendié et pillé des centaines de maisons, arrêté arbitrairement des civils, volé leurs récoltes et dévalisé leurs propriétés.

Les soldats de maintien de la paix de l'ONU sont impliqués dans les opérations militaires conjointes avec les forces du gouvernement congolais contre les milices rwandaises, dans le cadre de l'Opération Kimia II.  Toutefois les soldats de maintien de la paix n'ont à ce jour pas réussi à empêcher les soldats du gouvernement de commettre des exactions contre les civils.

« Les autorités congolaises doivent discipliner les soldats ayant commis des exactions, afin de faire cesser les viols et les pillages », a déclaré Anneke Van Woudenberg. « Les fonctionnaires de l'ONU devraient indiquer clairement que leurs soldats de maintien de la paix ne peuvent pas soutenir des opérations militaires au cours desquelles des soldats congolais commettent des exactions à l'encontre des civils. »

Des dizaines de milliers de personnes déplacées luttent pour survivre. Loin de leurs maisons et dans l'incapacité de recueillir leurs récoltes, ces gens ont constamment faim et dépendent de l'aide limitée fournie par des familles d'accueil déjà surchargées. Peu d'agences de l'ONU et d'organisations humanitaires travaillent actuellement dans le territoire de Lubero pour fournir l'assistance tellement nécessaire, compte tenu de l'insuffisance de l'aide financière fournie par les bailleurs de fonds et de la sécurité requise pour accéder aux personnes déplacées.

« Les personnes qui risquent de nouvelles attaques dans le territoire de Lubero ont désespérément besoin de davantage de soldats de maintien de la paix de l'ONU, d'une meilleure protection et d'une aide humanitaire accrue », a insisté Anneke Van Woudenberg. « Les appels du peuple congolais en détresse ne devraient pas être ignorés. »

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