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(Bruxelles) - Au Sénégal, l’adoption mercredi par l’Assemblée nationale d’une loi permettant aux juridictions sénégalaises de juger l’ancien dictateur tchadien, Hissène Habré, représente une étape importante pour la justice, a déclaré aujourd’hui Human Rights Watch.

Hissène Habré a été pour la première fois inculpé au Sénégal, en février 2000, pour crimes contre l’humanité et actes de tortures perpétrés sous sa présidence de 1982 à 1990. Après avoir refusé de le poursuivre en 2001 ou de l’extrader vers la Belgique en 2005, le Sénégal a accepté, le 2 juillet 2006, la décision de l’Union africaine de juger Habré au Sénégal. La loi adoptée aujourd’hui permet au Sénégal d’instruire des cas de génocide, des crimes contre l’humanité, des crimes de guerre et des actes de torture, même s’ils ont été commis hors du territoire sénégalais.

Parallèlement, Human Rights Watch s’interroge sur l’estimation reprise par le Ministre sénégalais des Affaires Etrangères, Cheikh Tidiane Gadio, selon laquelle Hissène Habré pourrait ne pas être jugé « avant trois ans ».

« Le Sénégal a fait un pas significatif dans la bonne direction en adoptant la loi permettant de juger Habré », a déclaré Reed Brody de Human Rights Watch, qui travaille avec les victimes du régime Habré. « Si le Sénégal projette d’ouvrir rapidement l’instruction et de reprendre le travail mené par la Belgique des années durant, le jugement pourrait avoir lieu assez rapidement. »

Human Rights Watch recommande particulièrement au Sénégal de :

• Maintenir les mesures légales appropriées pour s’assurer que Hissène Habré ne quitte pas le pays.

• Présenter aux donateurs internationaux un projet et un budget raisonnable de l’instruction et du jugement

• Créer et former une unité spéciale chargée d’enquêter sur les crimes internationaux

• Solliciter l’assistance de la Belgique qui a offert de partager les résultats de ses quatre années d’instruction dans l’affaire.

Habré Human Rights Watch a déclaré que les autorités belges – le juge d’instruction et une équipe policière judiciaire spécialisée dans les crimes internationaux – ont passé quatre ans à rassembler des preuves dans cette affaire avant d’émettre l’acte d’accusation. Le groupe a déclaré que si les résultats de l’enquête – rapports de police, interviews des témoins, et en particulier, l’analyse des milliers de documents de la police politique de Habré – pouvaient être utilisés par les juridictions sénégalaises, cela permettrait non seulement de réduire les coûts engendrés, mais aussi d’éliminer le long délai qu’impliquerait une reprise de l’enquête à zéro, et permettrait aux enquêteurs sénégalais de se concentrer sur d’autres aspects de l’instruction.

Le 10 janvier, le Président sénégalais Abdoulaye Wade a appelé les juridictions de son pays à « relever l’immense défi » de l’instruction et du jugement de Hissène Habré et ce afin d’exposer « à la face du monde la force éclatante de la justice sénégalaise ». La Commission créée par le gouvernement sénégalais pour examiner les questions juridiques et financières qu’implique le procès et dirigée par Malick Sow, coordinateur du Comité sénégalais des droits de l’Homme, doit remettre prochainement son rapport.

Human Rights Watch a appelé la Communauté internationale à fournir des fonds et des formations pour assister le Sénégal dans l’organisation du procès Habré. Il a également souligné que le Sénégal pourrait être le premier pays en voie de développement à poursuivre un étranger pour des crimes internationaux graves commis en dehors de ses frontières.

« Les défis qui se présentent au Sénégal sont considérables, notamment en ce qui concerne la charge financière du procès. Il s’agit d’instruire une enquête qui porte sur des crimes commis à grande échelle il y a plus de quinze ans », a déclaré Reed Brody. « Si le Sénégal fait un geste qui atteste de sa volonté à ce que justice soit rendue, la communauté internationale ne peut pas rester silencieuse et doit se manifester pour proposer son aide. »

Historique

Hissène Habré a dirigé l’ancienne colonie française du Tchad de 1982 à 1990 jusqu’à son renversement en 1990 par l’actuel Président Idriss Déby Itno et sa fuite vers le Sénégal. Son régime de parti unique fut marqué par des atrocités constantes. En 1992, une Commission d’Enquête du Ministère Tchadien de la Justice a accusé le gouvernement Habré de 40 000 assassinats politiques et de torture systématique.

Hissène Habré a d’abord été inculpé au Sénégal, en 2000, avant que la justice sénégalaise ne se déclare incompétente pour le juger. Ses victimes se sont alors tournées vers la Belgique et, après quatre années d’enquête, un juge belge a délivré un mandat d’arrêt international accusant Hissène Habré de crimes contre l’humanité, crimes de guerre et d’actes de torture perpétrés durant son mandat présidentiel de 1982 à 1990. Conformément à la demande d’extradition formulée par la Belgique, les autorités sénégalaises ont arrêté Hissène Habré en novembre 2005.

Lorsque la Cour sénégalaise a refusé de statuer sur la requête d’extradition, le gouvernement sénégalais a annoncé qu’il demanderait à l’Union africaine de se prononcer sur « la juridiction compétente » pour juger Hissène Habré. Le 2 juillet 2006, l’Union africaine, s’appuyant sur les recommandations du Comité des Éminents Juristes Africains, a demandé au Sénégal de juger Hissène Habré « au nom de l’Afrique », ce que le Président du Sénégal, Abdoulaye Wade, a accepté.

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