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Tchétchénie : Une enquête dévoile l’usage répandu et systématique de la torture

Le Comité contre la torture de l’ONU doit obtenir de la Russie qu’elle s’engage à mettre fin à la torture

La torture, aussi bien dans des prisons officielles que dans des lieux de détention clandestins, est répandue et systématique en Tchétchénie, a indiqué Human Rights Watch dans un communiqué publié aujourd’hui, à l’instar de ce que le Comité des Nations-Unies contre la torture concluait de son examen des pratiques de la Russie.

"Si vous êtes mis en détention en Tchétchénie, vous courez un risque réel et immédiat d’être torturé," a rappelé Holly Cartner, directrice de la division pour l’Europe et l’Asie centrale de Human Rights Watch. "Et il y a peu de chance que votre tortionnaire en soit reconnu responsable."

Human Rights Watch a indiqué que les éléments recueillis sur plus de cent cas de tortures ainsi que les recherches menées par les principaux groupes russes de défense des droits de l’homme suggèrent fortement que la torture en Tchétchénie est courante. Human Rights Watch a ajouté que ces conclusions, allant de pair avec une impunité de facto pour les tortionnaires, montrent un usage répandu et systématique de la torture en Tchétchénie.

Le communiqué de seize pages, "L’importance de la torture en République de Tchétchénie ," est adressé au Comité contre la torture. Il rend compte de mauvais traitements et de tortures infligés aussi bien par les forces tchétchènes pro-russes, sous le commandement effectif du premier ministre Ramzan Kadyrov, que par le personnel de police fédéral.

Lors de missions d’étude conduites en avril et septembre 2006, Human Rights Watch a dénombré quatre-vingt-deux cas dans lesquels les forces de Kadyrov ont emprisonné et torturé des personnes, la plupart du temps dans des lieux de détention illégaux. Les enquêteurs ont aussi obtenu les descriptions d’au moins dix de ces lieux, la plupart étant des maisons privées possédées ou utilisées par des dirigeants régionaux dévoués à Kadyrov.

"Si vous gardez prisonnier quelqu’un secrètement, c’est beaucoup plus facile de le maltraiter" a dit Holly Cartner. "Alors que c’est illégal selon la loi russe et le droit international."

Les forces de Kadyrov se servent de la torture pour obtenir des informations sur les forces rebelles. Certains prisonniers sont libérés et d’autres sont obligés de rejoindre les rangs de Kadyrov. Les forces de celui-ci ont aussi pris en otage et maltraité des parents de présumés combattants rebelles.

Human Rights Watch a aussi rendu compte des nombreux cas dans lesquels le personnel du deuxième bureau opérationnel d’investigation (ORB-2) a torturé des détenus dans des lieux officiels de détention.

Les prisonniers ont raconté qu’ils avaient subi des électrochocs et avaient été sévèrement battus avec des bottes, des fouets, des bouteilles en plastique remplies d’eau ou de sable, et de lourds câbles en caoutchouc ; certains ont aussi dit qu’ils avaient été brûlés.

De plus, un certain nombre d’interviewés ont parlé de pressions psychologiques, telles que des menaces ou des simulations d’abus sexuels ou d’exécution, ainsi que des menaces de représailles contre leurs familles.

Les autorités font très rarement l’effort de punir quelqu’un pour ces mauvais traitements. Dans le cas où les victimes osent déposer plainte officiellement, les procureurs refusent d’ouvrir une enquête, et les tribunaux ne tiennent aucun compte des allégations de torture des accusés, même si elles s’appuient sur des rapports médicaux ou des témoignages. Human Rights Watch a rapporté qu’il n’était au courant que d’un seul cas où une personnalité officielle avait été déclarée coupable de mauvais traitements sur quelqu’un mis en garde à vue.

Le climat d’impunité est aggravé par les efforts persistants des autorités de soustraire la Tchétchénie à tout examen extérieur et d’empêcher de rassembler des éléments sur les mauvais traitements. Le mois dernier, la Russie a refusé de permettre au rapporteur spécial des Nations-Unies sur la torture d’effectuer des visites-surprises et de rencontrer des prisonniers, en privé, le forçant à remettre indéfiniment sa visite en Russie et en Tchétchénie. De telles pratiques sont pourtant courantes lors des visites du rapporteur spécial partout dans le monde.

Human Rights Watch presse le Comité des Nations-Unies contre la torture – le principal organisme mondial des droits de l’homme chargé de faire rendre des comptes aux pays responsables de tortures et de mauvais traitements - d’envoyer à la Russie le message clair qu’elle doit arrêter, punir et empêcher de futurs actes de torture.

"Le Comité doit saisir l’occasion de sa critique pour demander instamment à la Russie de prendre des mesures concrètes mettant un terme à la pratique de la torture, y compris en menant des enquêtes, en traduisant les auteurs d’actes de torture devant la justice, et en obtenant réparation pour les victimes" a dit Holly Cartner.

Human Rights Watch a invité aussi instamment les partenaires internationaux de la Russie, y compris les Etats-Unis qui tiendra son deuxième sommet annuel avec la Russie le 24 novembre, à faire des recommandations du Comité une partie intégrante de sa relation bilatérale avec celle-ci. Ils devraient aussi insister pour une mise en œuvre adéquate et programmée de ces engagements.

Témoignages :

"Ils m’ont battu sans pitié. Ils m’ont mis contre un mur, les jambes écartées, et m’ont donné des coups de pied dans les parties génitales - j’ai vu plus tard que l’ensemble de la zone située entre mes cuisses était toute noire à cause des coups. Ils ont baissé mon pantalon et menacé de me violer. J’ai continué à leur dire : "Tuez moi plutôt !" mais ils ont répondu : "Non, nous ne te tuerons pas tout de suite - nous le ferons lentement, et nous mettrons aussi ton frère en pièces. » J’ai eu l’impression pendant ces interrogatoires que je n’arrêtais pas de mourir et qu’ils me ranimaient pour pouvoir continuer."

"Sulim S." (le nom a été modifié), mis en détention avec son frère "Salambek S." (le nom a été modifié) par le personnel de l’ORB-2 en mars 2006.

"Ils ont commencé à me donner des coups de pied, puis ont amené « une machine infernale" afin de m’infliger des décharges électriques. Ils ont attaché les fils à mes orteils et ont continué à actionner la manivelle pour envoyer du courant. C’était insupportable. Je suppliais : "Donnez-moi n’importe quel papier. Je le signerai. Je signerai n’importe quoi." "

"Khamid Kh." (le nom a été modifié), mis en détention dans une prison officieuse par les forces de Kadyrov, en avril 2006.

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