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Côte d'Ivoire : Mercenaires et milices doivent partir

Un nouveau rapport décrit les atrocités dans le " Wild West "

(New York) - Le gouvernement ivoirien devrait immédiatement disperser les milices civiles et enquêter sur les abus commis par ses forces de sécurité et par les mercenaires libériens dans l'Ouest de la Côte d'Ivoire, a déclaré Human Rights Watch dans son nouveau rapport publié aujourd'hui.

Le rapport de soixante et un pages, " Prise entre deux guerres : Violence contre les civils dans l'Ouest de la Côte d'Ivoire, " décrit les abus à grande échelle contre des civils dans les combats qui ont suivi une mutinerie de l'armée en septembre 2002.

Les abus comprennent exécutions sommaires, violence sexuelle contre des femmes et des jeunes filles, pillages par les troupes du gouvernement ivoirien, les milices civiles sous sa houlette et par les groupes rebelles.

Les deux parties ont recruté des combattants libériens dont certains en provenance des camps de réfugiés en Côte d'Ivoire.

" Les milices civiles sont un héritage périlleux de la guerre, et elles demeurent actives dans certaines parties de l'Ouest, " a déclaré Peter Takirambudde, directeur exécutif de la division Afrique de Human Rights Watch. " Les désarmer et les tenir responsables de leurs actes devrait constituer la première priorité pour le gouvernement de réconciliation. "

Le conflit en Côte d'Ivoire, qui a duré huit mois, a été caractérisé par des combats directs entre les parties belligérantes limités mais sérieux et, parfois par des abus systématiques à l'endroit des civils. Le nouveau rapport documente ces abus dans l'Ouest du pays, où des tensions pour problèmes fonciers ou de proximité avec le Libéria ont exacerbé le conflit.

Les forces gouvernementales ivoiriennes et les groupes rebelles se sont souvent rendus coupables de tueries en guise de représailles contre des civils considérés comme supporters de l'opposition. Les milices civiles, appuyées par le gouvernement, et les mercenaires libériens combattant aux côtés des deux parties, ont aussi commis plusieurs massacres de civils principalement sur base de leur affiliation ethnique.

Lors d'un des incidents décrits dans le rapport, les combattants libériens soutenus par le gouvernement ivoirien ont tué plus de soixante civils à Bangolo au début du mois de mars de cette année. Pratiquement, toutes les victimes provenaient des groupes ethniques du Nord considérés comme étant du côté des groupes rebelles. Certains ont été fusillés à bout portant et mains liées.

Moins de deux semaines plus tard, les rebelles ont attaqué le village avoisinant de Dah, tuant plus de quarante civils, ont rapporté des témoins. Certaines victimes ont péri quand leurs maisons ont été incendiées autour d'elles.

Les milices civiles ont aussi été responsables d'un grand nombre d'attaques contre des immigrants ouest-africains en Côte d'Ivoire, la plupart dirigées contre des agriculteurs burkinabé qui travaillent dans des plantations de café et de cacao à l'Ouest. Le rapport de Human Rights Watch décrit un modèle de collaboration entre les forces de sécurité ivoiriennes et les milices civiles locales selon lequel les civils burkinabé ont été parfois arrêtés et fusillés au grand jour en plein centre des villes de l'Ouest comme Duékoué.

Le rapport en appelle à l'établissement d'une commission internationale d'enquête dans le but de mener des investigations sur ces abus et de recommander des mesures visant à en amener les auteurs devant les tribunaux, ainsi qu'à une importante présence de contrôle des droits humains sur place. Il appelle également le gouvernement ivoirien à cesser immédiatement d'appuyer les milices.

Human Rights Watch affirme que les abus tirent leur origine de la discrimination ethnique et du climat d'impunité datant des élections présidentielle et parlementaire de 2000 pendant lesquelles plusieurs centaines de personnes ont été tuées ou blessées par les forces de sécurité et leurs collaborateurs civils.

" A moins qu'il y ait un réel engagement à assurer la responsabilité pour les abus par tous les côtés - aussi bien depuis les élections d'octobre 2000 que pendant le récent conflit - il est difficile de voir comment cette société très polarisée peut être réunie, " a confié Takirambudde.

Rappel

Le conflit en Côte d'Ivoire a commencé le 19 septembre 2002, quand un groupe d'ex-officiers de l'armée a tenté un putsch à Abidjan à la suite de plusieurs années d'instabilité politique.

La guerre a connu une escalade l'année passée quand deux nouveaux groupes rebelles ivoiriens ont attaqué des villes à l'Ouest du pays le long de la frontière avec le Libéria, utilisant des recrues libériennes. Le gouvernement ivoirien a alors armé sa propre force des combattants libériens et a commencé à soutenir des groupes de milices connus sous le nom de comités d'auto-défense dans les zones rurales.

Au mois d'avril, l'Ouest de la Côte d'Ivoire a été occupé par les combattants libériens et les milices civiles. Beaucoup de civils déplacés fuyant la zone n'ont eu d'autre choix que de prendre la voie du Libéria, lui-même secoué par sa propre guerre civile.

Les abus contre les droits humains par les combattants et milices libériennes ont attisé un conflit entre deux des principaux groupes ethniques dans l'Ouest. Des douzaines de villages ont été attaqués et des centaines de civils auraient été tués ou blessés par les combattants des deux parties.

Un cessez-le-feu du 3 mai 2003, soutenu par le déploiement des troupes françaises et ouest-africaines, a mis fin aux hostilités actives, et un nombre important de combattants libériens ont quitté la zone. Cependant, quelques villes de l'Ouest telle Toulepleu restent sous le contrôle des combattants du Libéria, et beaucoup de civils hésitent à retourner dans leurs maisons tant que des bandes d'hommes armés s'attaquent aux petits villages et aux fermes à l'écart des grands axes routiers.

Certaines parties de l'Ouest du pays ont été coupées de toute aide humanitaire pour six mois, et une zone naguère connue pour sa productivité agricole lutte maintenant avec un système de soins de santé délabré et une pénurie de nourriture.

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