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Président John Kufuor
Accra, Ghana

Cher Président Kufuor : 

Nous vous écrivons dans votre capacité de Président de la Communauté Economique des Etats d'Afrique Occidentale (CEDAO) afin de saluer vos efforts en vue de mettre un terme au conflit au Liberia et de créer des conditions qui permettraient finalement aux civils libériens de vivre dans la paix et la sécurité en respectant leurs droits humains. La CEDAO est prête à envoyer 1000-1500 troupes de maintien de la paix au Liberia ; nous vous invitons à vous assurer que cette force agit conformément aux droits humains et au droit international humanitaire, et avec un mandat précis de protéger les civils et de faciliter la distribution de l'aide humanitaire.

L'histoire des opérations de maintien de la paix de la CEDAO dans la sous-région a été confuse. Des succès importants ont été atténués par de sérieux abus des droits humains et un manque de responsabilité. La CEDAO doit s'engager à s'assurer que ses troupes sont suffisamment formées et capables de faire face à leurs obligations en vertu des droits humains et du droit humanitaire et d'enquêter et poursuivre tout officier ou soldat impliqués dans des abus. Durant le Sommet d'avril 1999 à Abuja, la CEDAO s'est engagée à conduire des investigations sur les abus d'ECOMOG en Sierra Léone, spécialement ceux liés à l'offensive rebelle de janvier 1999. A cet instant, aucune enquête n'a eu lieu. Par conséquent il est critique que le leadership de la CEDAO et les gouvernements fournissant des troupes s'engagent publiquement à respecter le droit international.

Human Rights Watch a fait état des abus de droits de l'homme commis par toutes les parties impliquées dans les conflits au Liberia et en Sierra Léone, y compris des abus  commis par les forces de la CEDAO, nommées ECOMOG. Au Liberia, ECOMOG a aidé à rétablir la sécurité, qui s'est suivie par une amélioration de la situation des droits humains. Cependant ECOMOG est devenue complice de sérieux abus par son alliance avec des factions guerrières insultantes, et les troupes d'ECOMOG ont été responsables de pillages importants, de tracasserie et de détentions arbitraires de civils. Les forces d'ECOMOG ont aussi violé le droit international humanitaire en conduisant des attaques aériennes aveugles contre des civils et biens civils, y compris des violations de neutralité médicale. A notre connaissance, aucun de ces abus n'a fait l'objet d'une enquête, et aucune troupe d'ECOMOG n'a été jugée responsable.

Le comportement des troupes d'ECOMOG en Sierra Léone constitue une amélioration par rapport à sa conduite au Liberia. Néanmoins, les troupes d'ECOMOG en Sierra Léone ont été responsables de sérieux abus, incluant des exécutions sommaires de rebelles ou sympathisants présumés, l'utilisation d'enfants soldats, et l'utilisation de bombes de façon indiscriminée contre des civils. Les officiers de rang de capitaine étaient présents et parfois participaient à ces exécutions. Les troupes d'ECOMOG ont violé la neutralité médicale le 11 janvier 1999 pendant une opération durant laquelle ils ont tiré de leurs lits des rebelles blessés, et les ont exécutés dans l'hôpital même. Les troupes d'ECOMOG ont exploité sexuellement des femmes et sollicité des enfants prostitués.

A la lumière de cette histoire, nous aimerions faire les recommandations suivantes à la CEDAO alors qu'elle se prépare à une nouvelle opération de maintien de la paix au Liberia :

  • Garantir que les forces de la CEDAO détiennent un solide mandat pour protéger les civils et qu'elles facilitent la distribution de l'aide humanitaire ;
  • Garantir que les forces de la CEDAO respectent pleinement le droit international humanitaire, en particulier le respect de la protection des personnes et biens civils ;
  • Offrir à tous les soldats et officiers qui seront déployés une formation appropriée sur les droits humains et le droit international humanitaire avant d'être envoyés au Liberia ;
  • Inclure une unité de conseillers avec une compétence particulière sur le droit international humanitaire qui sera déployée avec les forces de la CEDAO avec pour objet un rôle consultatif ;
  • Coopérer avec le Bureau d'appui des Nations Unies pour la consolidation de la paix au Liberia (UNOL), dont le mandat devrait être révisé et renforcé afin d'y introduire une surveillance et enquête des droits humains, des rapports publics, et la collecte des cas individuels d'abus avec les autorités libériennes, le leadership des groupes rebelles ou les autorités compétentes des troupes étrangères déployées dans le pays ;
  • Etablir une unité disciplinaire afin de surveiller la mise en place de la discipline militaire chez les divers contingents de la CEDAO afin d'adresser les violations du droit international humanitaire et d'autres sérieux abus par les troupes de la CEDAO ;
  • Démobiliser et désarmer tous les enfants soldats, et les remettre aux agences de protection de l'enfance appropriées.

Merci de votre attention face à ces sujets importants. N'hésitez pas à nous faire savoir si nous pouvons vous être de toute autre aide.

Nous vous prions d'agréer l'expression de notre haute considération.

Janet Fleischman
Directeur à Washington pour l'Afrique

Cc: Président Joaquim Chissano, Président de l'Union africaine
Président Alpha Oumar Konare, Président de la Commission de l'Union africaine
Mohammad Ibn Chambas, Secrétaire Exécutif de la CEDAO
Président Olusegun Obasanjo, République Fédérale de Nigeria
Sous-Secrétaire Général  Jacques Paul Klein, Représentant Spécial du Secrétaire Général et Coordinateur des Opérations des Nations Unies au Liberia
Ambassadeur Ahmedou Ould Abdallah, Représentant Spécial pour l'Afrique Occidentale
Walter H. Kansteiner III, Assistant Secrétaire d'Etat américain pour les Affaires africaines
Dr. Jendayi Frazier, Senior Directeur pour l'Afrique, Conseil National de Sécurité

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