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La répression vietnamienne contre les Montagnards

Saisies de terres, destructions d'églises, et excès de la police dans les hauts plateaux

(New York, 23 avril 2002) Le Vietnam doit cesser de persécuter les Montagnards indigènes des hauts plateaux, et le Cambodge doit continuer d'offrir l'asile à ceux qui fuiront et passeront la frontière, déclare Human Rights Watch dans un nouveau rapport sorti aujourd'hui.

Le rapport de 200 pages, "Repression of Montagnards : Conflicts over Land and Religion in Vietnam's Central Highlands [resume en français La répression des Montagnards : conflits fonciers et religieux dans les hauts plateaux du Vietnam]," apporte la description disponible la plus détaillée sur les troubles qui ont éclaté dans les hauts plateaux du Vietnam central au début de 2001 et offre un aperçu rare des mécanismes de la répression politique au Vietnam.

"Les Montagnards sont réprimés par le Vietnam depuis des décennies. Ceci doit stopper," déclare Mike Jendrzejczyk, le directeur à Washington de la division Asie de Human Rights Watch. "Le Vietnam doit ouvrir les hauts plateaux aux défenseurs des droits de l'homme souhaitant y mener des enquêtes, aux journalistes, aux diplomates, et doit commencer à prendre sérieusement en compte les doléances qui sous-tendent et nourrissent les troubles."

En février 2001, plusieurs milliers de membres des minorités indigènes, communément appelés Montagnards, ont mené une série de manifestations pour demander l'indépendance, le retour de leurs terres ancestrales et la liberté de culte.

Human Rights Watch a apporté une analyse approfondie des revendications qui ont entraîné les manifestations et une analyse des violations des droits humains qui les ont suivis. Human Rights Watch a trouvé que le gouvernement vietnamien a violé les droits humains fondamentaux en luttant contre les manifestations, et que ces violations - qui vont d'atteintes gouvernementales à la liberté religieuse à l'utilisation de la torture par la police - se poursuivaient encore en mars 2002.

Les autorités vietnamiennes ont répondu aux manifestations par une vaste démonstration de force, déployant des milliers de policiers et de soldats pour disperser les protestataires. Dans les semaines et les mois qui ont suivi les manifestations, les autorités ont arrêté des centaines de Montagnards utilisant parfois la torture pour obtenir des aveux et des déclarations publiques de remords de la part des organisateurs des manifestations. Elles ont aussi ciblé les rassemblements religieux et arrêté des leaders religieux, assimilant les églises évangéliques protestantes comptant de nombreux fidèles montagnards à des organisations anti-gouvernementales. Certains, parmi ceux arrêtés suite aux manifestations, ont été jugés et condamnés à de lourdes peines de prison. Plus de 1 000 Montagnards ont fui vers le Cambodge, où ils ont été recueillis dans deux camps de réfugiés administrés par le Haut commissariat des Nations Unies pour les réfugiés (HCR).

Depuis les manifestations de février 2001, les informations en provenance de la zone sous tension ont été difficiles à obtenir. Le gouvernement vietnamien a interdit l'accès libre de la région aux médias occidentaux, aux diplomates étrangers et aux fonctionnaires des Nations Unies. Ceux-ci n'ont pu se rendre sur place qu'à l'occasion de visites strictement encadrées par le gouvernement.

En mars 2002, le Cambodge a autorisé le processus d'installation aux Etat-Unis de plus de 900 demandeurs d'asile montagnards ayant fui au Cambodge depuis l'année dernière. Le Cambodge a maintenant fermé ses camps de réfugiés et verrouillé ses frontières avec le Vietnam et annoncé que tout nouvel arrivant serait immédiatement refoulé.

"Le Cambodge ne respecte pas ses obligations internationales d'assurer un asile temporaire," a déclaré Mike Jendrzejczyk, "mais l'agitation dans les hautes terres - et le flux de réfugiés vers le Cambodge - va probablement se poursuivre tant que Hanoi ne prendra pas de mesures effectives pour arrêter les mauvais traitements dont sont victimes les Montagnards."

Serments de loyauté, incendie d'églises, torture policière
Le rapport comporte des études de cas détaillées sur les tactiques répressives utilisées par le gouvernement vietnamien pour endiguer la liberté d'expression et le droit à la liberté religieuse. Par exemple, les autorités ont systématiquement conduit des « cérémonies de sang de chèvre », dans des dizaines de villages à partir de juin 2001. Les villageois ayant participé aux manifestations de février 2001 ont été forcés de se tenir debout face à leur village rassemblé, d'admettre s'être trompés, de s'engager à cesser tout contact avec des groupes extérieurs et de renoncer à leur religion. Pour sceller leur loyauté, ils furent forcés de boire du vin de riz mélangée à du sang de chèvre.

"Ils nous ont demandé de boire le sang de chèvre, mais nous n'avons jamais vu de chèvres," raconte un jeune villageois traumatisé à Human Rights Watch. "Nous nous demandions d'où venait le sang. Si nous ne le buvions pas, ils nous auraient battus. Nous ne savions pas s'il venait d'un poulet, d'un chien ou de quoi que ce soit d'autre. Je crains d'avoir des problèmes de santé dans le futur."

Human Rights Watch a aussi décrit l'emploi abusif de la force par les services de sécurité à Plei Lao, province de Gia Lai en mars 2001, lorsque plusieurs centaines d'hommes ont encerclé le village, y ont pénétré tard dans la nuit pour interrompre un service religieux prévu pour durer toute la nuit. Dans un affrontement avec les villageois, les forces de sécurité ont ouvert le feu sur la foule, tuant un villageois. Elles ont alors brûlé l'église du village. Un villageois raconte ce qui s'est passé :

"D'abord la police a ordonné à quelques civils vietnamiens de mettre à sac et de détruire l'église avec des haches. Ils ont utilisé un câble accroché à un véhicule pour la mettre à terre et les soldats ont utilisé leurs crosses de fusils. Alors, ils ont obligé les Jarai à la brûler. Tout le monde pleurait - pour les morts et les blessés et pour l'église."

Human Richt Watch exprime sa préoccupation sur le sort de plus de 500 demandeurs d'asile montagnards qui ont été refoulés de force du Cambodge vers le Vietnam dans les douze derniers mois. Lors d'un incident en mars 2001, dix-neuf Jarai ont été torturés et emprisonnés après avoir été expulsés du Cambodge, comme le raconte un témoin :

"Ils nous ont battus sur tout le corps, y compris nos têtes. Ils ont frappé nos doigts, nos mains, nos bras et notre cou - partout. Il n'y avait pas de sang car ils utilisaient des matraques en caoutchouc. Après nous avoir battus, ils ont de nouveau pris en photo."

Le rapport se base sur plus de 100 entretiens avec des Montagnards des hauts plateaux, des diplomates et des employés d'organismes d'assistance basés au Vietnam. Des documents internes au gouvernement vietnamien qui n'avaient jamais été publiés hors du pays ont été obtenus par Human Rights Watch. Ils confirment l'essentiel des témoignages recueillis. Des pétitions de citoyens détaillent les conflits fonciers de longue date des Montagnards, les confiscations arbitraires de terres ancestrales, les interruptions de services religieux d'églises protestantes, les pratiques discriminatoires à l'encontre de la minorité chrétienne, et le manque de réponse du gouvernement aux plaintes des citoyens.

Une directive confidentielle de 32 pages publiée par le Parti communiste vietnamien en juin 2001 indique spécifiquement aux cadres comment interpréter les troubles ethniques dans les hauts plateaux et comment y répondre. La directive montre que le Parti relie les revendications grandissantes des Montagnards pour leurs droits fonciers, pour la liberté religieuse, et même pour l'indépendance, à la popularité croissante du protestantisme.

La directive du Parti prétend que les ennemis du Parti ont ciblé les hauts plateaux, en tirant avantage du christianisme évangélique et des "concepts de liberté et de démocratie" dans le but de créer des demandes "artificielles" pour la terre et le droit à la liberté religieuse.

Human Rights Watch propose des recommandations détaillées pour les politiques de la République socialiste du Vietnam, le gouvernement royal du Cambodge et le Haut commissariat des Nations Unies pour les réfugiés. Human Richts Watch exhorte l'Association des nations du Sud-est asiatique (ASEAN) et les donateurs du Vietnam de presser Hanoi de respecter les droits des minorités indigènes.

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